"Je l'aimais" (film)

Risquez la solitude pour espérer l'amour absolu 

Je l'aimais passe en ce moment sur France2. ce film est "fort" m'a-t-on dit.

Ce film est une fable, ce film est un mensonge.

Il fait croire que l'amour comme la vie seraient une épopée... Et que nous pouvons espérer que l'amour partagé puisse nous tomber dessus comme ça et ne chambouler que le rythme bien rangé d'un père de famille. Nous faire croire encore qu'en vivant une telle aventure, on saurait où l'on va clairement. 

Or, l'amour comme la vie sont  un roman post-moderne. Les événements n'ont pas forcément de logique ou de sens, les gens ne s'y aiment pas de la même manière ou au même moment, les femmes même amoureuses ne laissent pas forcément des messages aussi lucides, qui déchireraient le voile. Elles ne comprennent pas plus que les hommes ce qui peut se passer entre deux êtres quand c'est le cas. Et des milliards de gens se croisent chaque jour et sur des années sans jamais être ébranlé par l'amour. 

La vie comme une épopée, c'est la vie avec la providence, le destin, la destinée. C'est la conception d'une lisibilité de nos actes et de ceux des autres, la notion d' "homme ou de femme de notre/ma vie", c'est la foi en des projets que l'on croit pouvoir mener quoi qu'il arrive, quoi qu'il nous arrive de vivre, d'être ou de découvrir sur nous. Cette conception de la vie est fausse, elle naît de l'illusion des histoires qui, elles, sont faites pour être signifiantes, logiques et intelligibles à chaque instant. 

La vraie vie est un roman, c'est à dire un éclatement permanent du réel en trilliards de parcelles, un peu comme si on devait conduire depuis l'habitacle d'une voiture, en maîtrisant des trilliards de microscopes, auxquels il faut ajouter la lentille de la caméra qui nous permettrait une vue aérienne, une vue à distance ce qui fut, est et sera...

De là naît un fourmillement extraordinaires de surprises possibles, de secondes de fascination mais certainement pas l'idée que nous pouvons choisir notre chemin. Avant même de comprendre souvent qu'il y avait un choix à faire, nous avons déjà pris l'autre route, déjà oublié, déjà minimiser les faits par lâcheté ou par cynisme.

Nous pouvons juste prendre le risque de la solitude pour espérer l'amour fou. Mais sans doute ne viendra-t-il jamais...Et s'il arrive, il n'aura pas la logique bien huilée et la lucidité des personnages d'un film, pas plus dans _Je l'aimais_ que dans n'importe quelle bluette hollywoodienne. 

La vie n'est pas un mensonge, les histoires qu'on raconte sur l'amour, oui !

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 Note : sur la vie comme une épopée ou un roman, voir http://classiques.uqac.ca/classiques/Lukacs_gyorgy/histoire_conscience/lukacs_preface.html

Régalez-vous aussi, avec cette excellente bibliothèque québécoise http://classiques.uqac.ca/ qui défend l'idée de Patrimoine Mondial Textuel, de toutes époques et contre toute tentative mercantile. 

Comments

[Lancelot]

Bonsoir Fauetnayade,

Je n'écris guère ces derniers temps, que ce soit ici ou sur mon propre blog. Mais sachez que je prends plaisir à passer ici et à lire.

Lancelot